Les darks pattern désignent des interfaces utilisateur trompeuses, qui sont employées pour jouer sur les émotions de l’utilisateur et l’amener à réaliser les objectifs du site (ou de l’application) de façon déloyale.
Ces designs emploient des techniques abusives pour manipuler l’utilisateur et exploiter ses biais cognitifs pour l’inciter à réaliser une action qu’il n’avait l’intention de faire.
Ces modèles de conception ne s’alignent pas sur l’objectif de l’UX design, qui vise à assurer une expérience utilisateur adaptée aux attentes de l’usager. C’est ce que nous allons découvrir plus en détails dans cet article.
Aperçu sur le concept de Dark Pattern
Le concept de dark patterns a fait surface en 2010, avec l’essor de l’e-commerce. Ce terme a été introduit par l’UX designer britannique Harry Brignull, qu’il a défini comme suit :
“a user interface that has been carefully crafted to trick users into doing things, such as buying insurance with their purchase or signing up for recurring bills.”
Les e-commerçants convergent vers cette pratique indécente pour tromper le visiteur et l’orienter vers le tunnel de conversion. Ainsi, ils peuvent concrétiser leurs objectifs, à savoir :
- Accroître leurs ventes en ligne,
- Augmenter le taux de conversion,
- Accroître le trafic du site web,
- Augmenter le panier moyen,
- Recueillir certaines données personnelles des visiteurs, etc.
Ces interfaces trompeuses sont minutieusement conçues pour exploiter la psychologie humaine au profit de l’entreprise. Le principe de dark pattern se base sur une compréhension approfondie de la façon dont l’utilisateur se sert du site ou de l’application. Le but est de prendre le contrôle de son interaction avec le site et l’amener à réaliser des actions (inscription à une newsletter, achat d’un produit/service, etc) qui servent les intérêts de l’entreprise avant ceux de l’utilisateur.
Les darks patterns s’opposent au principe de l’UX design. En effet, ce dernier repose sur une conception centrée sur l’utilisateur (user centric), qui permet d’appréhender les pensées, les émotions et les besoins de l’usager. Les informations qui en découlent permettent de mobiliser les ressources et les outils nécessaires pour assurer un design en phase avec les attentes de l’utilisateur.
Par contre, ce n’est pas le cas avec les darks patterns. Ces “darks designs” utilisent la connaissance du profil de l’utilisateur contre lui, pour satisfaire les besoins et les objectifs commerciaux de l’entreprise et non pas ceux de ce dernier.
10 exemples des darks patterns les plus courants
La manipulation par les effets visuels
Ce dark pattern consiste à jouer sur les couleurs, les formes et le positionnement dans l’interface utilisateur, dans l’objectif de mettre en premier plan un Call To Action (CTA) et en second plan le lien ou le bouton qui permet de continuer à naviguer naturellement sur le site.
Par exemple, la mise en avant le CTA ou l’action de conversion, avec une couleur, une police ou une forme attrayante, qui sortent du lot.
D’un autre côté, les éléments de navigation responsables du processus de réservation normale sont conçus avec un design discret et peu remarquable, notamment, avec une couleur claire, une police de caractère de taille plus petite que le CTA, une position au-dessous du CTA, etc. Ainsi, le bouton de réservation peut passer inaperçu aux yeux des visiteurs.
L’objectif étant de faire croire à ces derniers que le seul moyen pour réaliser une réservation est de passer par le CTA ou de réaliser l’acte de conversion.
La manipulation à travers le sentiment d’urgence
Ce dark pattern consiste à éprouver un sentiment d’urgence chez le visiteur, à travers des effets graphiques stimulants. Cette ruse incite l’utilisateur à prendre urgemment une décision et à passer rapidement à l’action, avant l’expiration de l’offre.
Parmi les pratiques de manipulation utilisées dans ce dark pattern, on citera par exemple :
- Le ton d’urgence ou FOMO (Fear of Missing Out), à l’exemple de : Plus que 24h avant l’expiration de l’offre.
- La limitation de la disponibilité ou de la quantité du produit à une durée déterminée.
- L’utilisation d’une couleur chaude et captivante, comme le rouge, pour marquer le bouton ou le lien de l’action envisagée.
- L’intégration d’une micro-animation pour attirer l’œil du visiteur, comme la vibration et le survol, etc.
Le sentiment d’urgence et l’effet de rareté disposent d’une grande influence sur les décisions d’achat des consommateurs. Pour cette raison, ces techniques marketing sont très courantes dans la vente en ligne; notamment lors des périodes des soldes, des blacks friday, des promotions, etc. Ce modèle est aussi employé par les sites de réservation de voyage en ligne, à l’instar de Booking.com. Par exemple, ce site utilise :
- Des messages stimulants qui évoquent la rareté, comme “il ne reste qu’une seule chambre”, et le sentiment d’urgence, comme “Vous l’avez manqué”, “offre en grande demande”.
- La couleur rouge pour capter l’attention du visiteur et l’inciter à passer à l’action.
Friend spam
Ce dark pattern a été essentiellement employé par le fameux réseau social LinkedIn. Ce réseau social professionnel force le visiteur à renseigner son mail ou lui accorder la permission d’accéder à son compte sur un autre réseau social. Cela, dans l’objectif de bombarder ses contacts par des spams afin de les inciter à s’inscrire à ce média social.
Lorsque LinkedIn était encore méconnu et qu’il n’attirait pas d’abonnés, il s’est dirigé vers ce dark pattern pour augmenter sa notoriété. Néanmoins, cette technique trompeuse a coûté cher à LinkedIn, qui s’est retrouvé obligé de payer une amende de 13 millions de dollars (2013).
La continuité forcée / reconduction tacite
Cette technique trompeuse est utilisée principalement par les plateformes qui proposent des essais gratuits de leurs services, à l’instar de Netflix et des plateformes de streaming. Ces sites proposent des essais qui ne sont pas réellement gratuits et qui finissent par la soustraction d’un montant de la carte de crédit de l’utilisateur, en le prévenant de manière très discrète de la date limite de la gratuité. Ce dernier continue à utiliser le service sans l’arrêter et sans être conscient qu’il va payer une facture à la fin.
La publicité déguisée
Cette technique de manipulation est couramment employée par les plateformes de streaming et de téléchargement. Elle consiste à insérer une publicité au sein du contenu, comme si elle en fait partie naturellement. Notamment, dans certains sites, on place le bouton “Télécharger” dans la zone de la publicité, afin de rediriger le visiteur vers la page correspondante.
Confirmshaming
Le confirmshaming est un dark pattern de manipulation qui joue sur les émotions du visiteur, en utilisant la magie des mots. Par exemple, on peut utiliser ce pattern dans un site de vente en ligne de livres, pour coincer l’internaute entre deux choix :
- Il achète le livre pour s’initier à la programmation web, par exemple.
- Il abandonne l’offre, on lui demande si il est sûr de ne pas “vouloir apprendre un métier d’avenir.”
Cette technique de manipulation vise à culpabiliser l’internaute de manière douce et humoristique ainsi qu’à déclencher un achat ou une inscription.
Appâter et bifurquer (Bait and switch)
Ce dark pattern abusif fait appâter le client avec un résultat et le surprend, par la suite, par un autre résultat complètement différent. L’exemple le plus illustratif de cette technique illusoire est la pratique que Microsoft a adoptée pour leurrer l’utilisateur qu’en cliquant sur la croix “X”, il va fermer la fenêtre contextuelle. Alors que cette action vise en réalité à lancer une mise à jour.
Microsoft a joué sur le fait que les utilisateurs sont habitués à interpréter le symbole “X” comme un raccourci pour quitter une boîte de dialogue et a détourné cela pour autre fin, éventuellement indésirable. Ce qui a entraîné l’insatisfaction d’une large communauté de ses usagers.
Les frais cachés
Ce design trompeur consiste à dissimuler le prix total d’un service et à afficher uniquement le prix initial du service, en amont du paiement en ligne. A la fin de ce processus, le client sera surpris par le prix gonflé du service, auquel on a ajouté certains frais supplémentaires, tels que les frais de livraison, les taxes, etc. Mais ayant déjà réalisé un long parcours, il acceptera le prix. Cela peut être constaté sur certains sites de ventes de billets d’avion.
Les bandeaux cookies
Les bandeaux cookies désignent des interfaces de consentement pour inciter le visiteur à autoriser les cookies, ou à choisir les traceurs à activer, pour pouvoir poursuivre sa navigation sur le site.
Certains sites dirigent l’utilisateur vers une autre page pour paramétrer ses préférences. Ou bien, ils proposent des interfaces dépourvues du bouton “Refuser”, ou qui contiennent uniquement le bouton “Accepter”. Dans le contexte d’un site d’autorité qui délivre une information pertinente ou un produit/service efficace, le visiteur finira par accepter les cookies.
Les questions pièges
Ce design intriguant consiste à poser des questions déroutantes dans un formulaire, pour tirer des réponses du visiteur qui ne sont pas en phase avec ce qu’il veut dire réellement. En faisant une petite relecture de ses réponses, ce dernier peut remarquer qu’il a intentionnellement répondu à une chose, alors que les questions portent sur d’autres choses. L’exemple le plus courant est l’inscription au newsletter : “Ne cochez pas cette case pour recevoir notre newsletter”.
Mot de la fin
Les darks pattern consiste à employer des techniques de manipulation, sur une application ou un site web, pour intriguer l’utilisateur et l’obliger à réaliser des tâches allant contre son intérêt ou volonté.
Ces modèles de conception reposent sur des interfaces utilisateur trompeuses qui exercent une sorte de manipulation psychologique pour réaliser les objectifs commerciaux ou marketing. C’est ce qui ne correspond pas au principe de l’UX design qui met en premier plan la satisfaction de l’utilisateur et lui donne le contrôle de ses actions.
Il existe plusieurs pratiques confuses qui sont utilisées dans un dark pattern, à l’exemple du sentiment d’urgence, les questions pièges, les frais cachés, la publicité déguisée, etc.